Gyo Fujikawa ou comment le livre pour enfant vous marque pour toujours


Il y a des livres feuilletés dans l'enfance, scrutés, passionnément observés dans leurs moindres détails, lus et relus jusqu'à en être abîmés, des livres d'images qui ont exercé une drôle de fascination sur nous dans notre jeune âge, sans que l'on en ait vraiment conscience.
Leurs illustrations ont marqué notre mémoire, impression indélébile, et pourtant ils sont momentanément mis de côté, voir oublié, comme rayé de notre conscience. C'est ce que l'on croit. Mais les livres d'images lus dans l'enfance sont comme des petits feux qui brûlent encore, tout petit, tout doux, cachés comme un secret au creux de notre âme. Il suffit d'une brindille jetée dans leur direction pour leur redonner puissance et éclat.




J'avais un de ces livres quand j'étais petite fille, je l'ai exploré tellement de fois que les pages se détachaient toutes seules. J'avais l'impression de me projeter au cœur du livre et de faire partie de l'histoire. Je m'évadais dans un univers incroyable.
Il racontait avec moult illustrations la journée d'une bande de gamins du matin au soir. Je me souviens des acrobaties des enfants, de leurs jeux, de la cabane dans les arbres sous la pluie, du petit déjeuner servi autour d'une immense table avec une accumulation d'aliments appétissants (notamment celui que j'imaginais être de la compote de banane). Une enfance rêvée où les adultes étaient absents et les enfants comme livrés à eux-mêmes, libres de faire toutes les expériences qu'ils souhaitaient, comme animés d'un perpétuel mouvement. Ils n'étaient pas tous parfaits, certains étaient rondouillards ou portaient des lunettes. Autre particularité, on y voyait des enfants asiatiques ou noirs, ce qui étaient très rares dans les années 70. Mais trait commun à tous, ils étaient marqués par une certaine joie de vivre, une vivacité palpable, un enthousiasme communicatif: ils étaient terriblement vivants. J'avais envie de faire partie de la bande et de manger à leur table.
Qui avait écrit et illustré ce livre, je n'en avais pas la moindre idée. Seul comptait le contenu.

Et puis, il y a quelques temps, à la faveur d'une visite chez un nouveau pédiatre, j'ai découvert un livre du même auteur en cherchant dans les bacs de la salle d'attente. Même dessin rond et vivace, même enfants en liberté façon Peter pan. J'ai reconnu immédiatement le style de l'auteur, bien que ce ne soit pas le même livre que celui que je possédais auparavant.

Enfin, un nom est venu s'apposer sur ce livre adoré : Gyo Fujikawa
Un nom japonais en plus ! J'étais ravie de ma découverte.

J'ai appris ensuite que Gyo était une femme américaine, d'origine japonaise, née en 1908.
Qu'elle avait été une auteure de livre pour enfants à succès vendant des millions d'exemplaires de certains de ses livres.
Qu'elle avait travaillé pour tonton Walt sur Fantasia puis avait poursuivi sa carrière dans la publicité en agence. C'est notamment elle qui a dessiné le petit bonhomme inuit de la pub Eskimo.
Ce n'est que dans sa quarantaine qu'elle se met en free lance et commence à illustrer des livres.
Et en 1963, à 55 ans, elle publie son premier livre pour enfants, en tant qu'auteur et illustrateur.
Elle mourra à l'âge de 90 ans après avoir écrit plus de 50 livres.
Elle n'eut jamais d'enfant mais elle a su capter l'énergie de cette période merveilleuse en se posant sans cesse la question suivante : comment faire décoller l’imagination du petit lecteur ?

Nul doute que la mienne était partie très très loin grâce à Gyo.


Je vous recommande vivement de découvrir cette auteure, avec son dessin très 70's et de bien ouvrir les yeux dans les brocantes car elle n'est quasiment plus éditée. Offrez-le à un petit enfant et vous verrez, ça marche encore.



Epilogue
J'ai retrouvé récemment dans la cave de ma mère mon livre de Gyo, celui qui a nourri mon imagination et ma fascination pour les mondes enfantins lorsque je devais avoir 6 ou 7 ans.
Une invitée me l'avait offert pour mon anniversaire avec la mention "joyeux anniversaire Virginie" écrite maladroitement. Je ne sais plus qui c'est, mais je lui envoie des petites étoiles bleues pour ses rêves nocturnes.

















5 commentaires:

  1. Jolie redécouverte ! J'adore découvrir des choses comme ça, qui m'avaient intéressée, enfant, et dont je ne me souvenais plus trop.

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    1. oui, c'est délicieux cet effet "madeleine de Proust", c'est très puissant.
      C'est pour cela qu'il faut lire des histoires dans les livres aux petits enfants !!

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  2. J'adore ces livres et cette illustratrice... Petit clin d'oeil chez moi il y a longtemps : http://www.mcpb.fr/archives/2010/06/17/18335570.html
    ps : je viens de découvrir ton blog qui est très chouette !

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  3. oh la la! je fais un bond de presque 30 ans en arrière. Nous avions le même avec ma soeur...il a été tellement lu et relu que notre version était scotchée à tout plein d'endroits. mais même amoché, c'était un de mes livres d'illustrations préféré...et puis il a été donné à des cousins et j'ai perdu sa trace. j'aimerais tellement pouvoir retrouver une édition pour le faire découvrir à mes enfants qui le trouveraient peut être "ringard" mais qu'importe...
    Merci pour ce joli souvenir partagé.

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    1. Ravie de ton témoignage ! Farfouille dans les brocantes et vide grenier, tu en trouveras peut être un. À bientôt

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June

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